Pendant ma promenade matinale dans les bois près de chez moi, je passe parfois devant des arbres immenses, mais couchés par terre (aux Pays-Bas les vents peuvent être violents)…Cela « dérange » un arbre qui n’est plus debout, surtout quand les racines sont dressées dans les airs.
Un arbre se retrouve par terre pour deux raisons : son tronc a été scié à la base ou un vent trop fort l’a arraché de terre. Dans les deux cas, on ne reste pas indifférent : un arbre à l'horizontal, c'est contre-nature ! D'autant plus qu'à notre échelle d'homme, un arbre peut vivre une éternité.
Ce matin, je n’ai pas pu m’empêcher de faire le lien entre cet arbre gisant sans sève, et un humain coupé de sa source, c’est à dire de ce qui le rend vivant.
Car il ne suffit pas de vivre pour être vivant. On peut ne pas mourir et pourtant ne pas vivre vraiment. On peut vivre une vie qui par elle-même ne rend pas vivant, une vie qui fait de nous des automates obéissant à une autorité despotique sur laquelle nous avons peu de prise : l’autorité de nos instincts, de nos peurs, de nos conditionnements, de nos passions tristes, bref l’autorité de notre "moi".
L’automate en question en oublie ce qu’est la liberté vraie, celle d’être, et que sans cette liberté, pas de sève qui nourrit : le vivant en lui est alors bien limité. L’automate gesticule, certes, mais plus il le fait, plus il se déconnecte de ce qui lui donne sa liberté, sa sève, sa vie.
Le comble pour nous autres les humains, c’est que ce moi qui nous coupe de cette sève, est lui, bien enraciné. Il tient bon, contre vents et marées :
« Il n’y a pas un seul moi sur terre qui est prêt à se perdre », nous rappelle le philosophe et théologien Dominique Collin.
Mourir à soi-même, c’est à dire à ce moi-là ? Impossible…Le moi, c’est la sécurité du familier. Plutôt « moi, je », que l’inconnu du tout autre que moi et sa liberté. Tout faire pour que ce moi tienne…
Moi je pense, moi je sais, moi je décide, moi je veux, moi j’exige...Comment peut-il en être autrement ?J’ai été éduqué, je me suis construit pour justement être et faire tout cela.
Quel vertige ! Est-ce que cela veut dire que pour tenir debout, comme un arbre bien planté, il faut que je trouve d’autres racines que celles de ce moi ? Et surtout que je fasse confiance à ces racines-là que je ne connais pas ? Finalement, c'est donc ça la foi ?
Il en faut du courage pour renoncer à être « autonome » (Moi, je) et automate. Le courage d’exister, c’est le courage d’être soi, de s’abandonner à la liberté du soi, hors des murs du moi. Il faut beaucoup de courage dans le coeur pour avoir la foi...
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