Beaucoup disent peut-être spontanément que ces deux mots n’ont rien à voir entre eux et qu’ils ne devraient pas figurer l’un à côté de l’autre. Pourtant la relecture de textes de la petite Thérèse me dit le contraire.
Que l’on soit croyant ou non, se plonger dans la vie des saints est toujours une aventure. Car leur vie, décidément, ne ressemble vraiment pas à la nôtre. Et pour cause, ils sont saints…et nous ne le sommes pas (encore).
Il y a deux mots, il me semble, qui rassemblent tous les saints et qui définissent parfaitement leur différence avec nous, humilité et abandon : avec une humilité profonde, ils s'abandonnent totalement à Dieu. Et bien nous allons voir que l’Ennéagramme, s’il a une utilité et une fonction, est bien de nous orienter vers ce chemin-là.
Humilité
L’humilité s’impose quand on voit et vit au quotidien l’inanité de notre petit Moi (ego) et sa faiblesse intrinsèque. Grâce à l’Ennéagramme, nous voyons et nous savons que le projet de ce Moi est perdu d’avance et que les niveaux les plus bas de notre type de personnalité sont à notre portée : des coups durs, quelques faux pas répétés, et nous y sommes.
Pour mémoire, le Moi se réfugie dans un désir pour fuir une peur (ce désir et cette peur étant spécifiques à chaque type de personnalité), soit un mécanisme qui nous enferme et qui peut se dégrader très rapidement.
Là où l’Ennéagramme joue un rôle clé, c’est qu’en même temps qu’il nous montre concrètement notre faiblesse ultime, en même temps il nous ouvre à d'autres ressources, qui ne viennent pas de nous et qui elles, sont infinies. Cela nous permet d’accepter l’inacceptable de cette vérité sur notre Moi impuissant, et surtout, cela nous établit de fait dans une attitude profonde et ancrée d’humilité.
Abandon
S’abandonner, cela revient tout simplement à renoncer à ce Moi qui prend toute la place, pour se tourner vers autre chose : une autre dimension d’être au-delà du Moi. Le fameux « mourir à soi-même » n’est rien d’autre que cela. Quand ce Moi est notre seul horizon, qu’on ne connait que cela, on comprend que ce soit si difficile. Abandonner ce Moi, et pour quoi d’autre ? Vertige immense devant le vide…
L’Ennéagramme, s’il a un sens et une utilité, est bien de nous amener à aller vers cet abandon. Prenons le type 8 comme exemple : le projet de vie du 8 est de se réfugier dans la force pour fuir la faiblesse à tout prix, et il s’enferme dans ce schéma. L’Ennéagramme montre donc que pour le 8, s’abandonner passe par une démarche pour vivre selon une autre logique et accéder à une dimension où il découvre que la vraie force se découvre dans la faiblesse : « C’est quand je suis faible que je suis fort » nous dit Saint Paul (2 Co 12, 9), «Non-sens ! » ne peut s'empêcher de crier notre ego/mental.
Saint François de Sales définit l’abandon comme la « disposition de ne rien demander et rien refuser »*. Le 8 qui s’abandonne, se place donc dans une dimension de lui-même où il ne recherche pas la force et ne refuse pas la faiblesse. Une révolution pour lui !
L’humilité et l’abandon, tout un programme de vie ! La petite Thérèse, notre sainte normande vénérée aux quatre coins de la terre et qui n’a vécu que 24 ans, a compris cela « toute seule » dans la « solitude » du Carmel, et c'est devenu la célèbre «petite voie » :
« Maintenant c’est l’abandon seul qui me guide, je n’ai point d’autre boussole.»
(Manuscrit autobiographique p 207)*
Difficile d’être plus clair ! Et cet abandon exige une humilité totale. A sa soeur qui lui demandait de l’éclairer, elle répond :
« Ce qui lui plait (au Bon Dieu), c’est de me voir aimer ma petitesse et ma pauvreté.
C’est l’espérance aveugle que j’ai en sa miséricorde…Voilà mon seul trésor.
Pourquoi ce trésor ne serait-il pas le vôtre ? »*
Le programme « Humilité et Abandon » auquel l’Ennéagramme doit normalement et naturellement nous amener s'adresse à tous, sans distinction, que nous vivions en accueillant notre dimension spirituelle ou non. En revanche ce que l'Ennéagramme ne dit pas c'est que sans une dimension spirituelle, suivre "ce programme" est difficile, voire impossible.
Don Riso, qui a consacré sa vie à l’Ennéagramme et à son enseignement, finalement, n'a jamais dit autre chose que cela :
«L’élan de l’Ego est trop grand,
il ne peut être transformé sans que lui soit opposé une force plus grande encore :
la conscience qui vient d’une perspective spirituelle sur nous-mêmes et nos vies.»
J'aime penser que la façon dont l’Ennéagramme agit en nous ne nous appartient pas. Cette connaissance nous touche là où nous sommes sur notre chemin et nous permet de faire les pas qui sont à notre mesure, et c'est déjà bien. Ensuite ? Je ne peux que terminer avec les mots de la petite Thérèse, ceux-là mêmes qui lui ont valu le titre de Docteur de l’Eglise :
« Tout est grâce. »
Qu’on le veuille ou non, humilité oblige (voir ci-dessus), si on a compris l'Ennéagramme on est bien obligés de reconnaitre qu’effectivement, tout est grâce.
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* Extraits de "Croire en l'amour", Père d'Elbée
Pour découvrir l'univers de Sainte Thérèse : Emission Secrets d'histoire
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