L’Ennéagramme dit la promesse que les neuf territoires de l'être qu’il nous présente sont en nous et nous définissent bien davantage que l'ego et sa forteresse.
Etty Hillesum, jeune femme d'origine juive dont la trajectoire mystique fut fulgurante (les trois dernières années de sa vie) a accompli cette promesse en faisant sienne, sans le savoir,
cette carte de l'âme humaine, chacun des neuf territoires ayant pris chair en elle.
Tous les textes ci-dessous (hormis les sous-titres) sont extraits de Une vie bouleversée et Lettres de Westerbork
Commençons par le commencement !
Je crois que je vais le faire : tous les matins, avant de me mettre au travail, me « tourner vers l’intérieur », rester une demi-heure à l'écoute de moi-même. Je pourrais dire aussi : méditer. Mais le mot m’horripile encore un peu. Oui, pourquoi pas : une demi-heure de paix en soi-même. On agite bien bras, jambes et autres muscles le matin dans la salle de bains : mais cela ne suffit pas. L'homme est corps et esprit. Une demi-heure de gymnastique et une demi-heure de « méditation » peuvent fournir une bonne base de concentration pour toute une journée.
Finalité : devenir ce que l'on est
Je veux seulement tenter de devenir celle qui est déjà en moi, mais qui cherche encore son plein épanouissement.
Ici et maintenant
C'est ici et maintenant, en ce lieu, dans ce monde que je dois trouver la clarté, la paix et l’équilibre.
Travail intérieur
Toute la journée je vais me tenir dans un coin de cette grande salle de silence qui est en moi.
Les trois centres
Un peu de paix, beaucoup de douceur et un peu de sagesse, quand je sens cela en moi tout va bien.
Le but ultime
La grande œuvre qu'il a opérée en moi : Il a déterré Dieu en moi et lui a donné vie, et maintenant je dois continuer à creuser et chercher Dieu dans le cœur de tous les hommes que je rencontre, dans tous les coins de cette terre.
Je te cherche partout dans les hommes et je trouve souvent une parcelle de Toi.
***
Point 1
Mais il faut laisser les choses pour ce qu'elles sont, au lieu de vouloir les hisser à des altitudes impossibles ; et c'est en les laissant être ce qu’elles sont qu’on leur permet de déployer enfin leur valeur véritable.
La condition première est de pouvoir accepter, et accepter généreusement, le fait même de commettre des fautes et des erreurs.
Il faut d'abord apprendre à se pardonner ses défauts si l'on veut pardonner aux autres. C'est peut-être l'un des apprentissages les plus difficiles pour un être humain.
Tout est parfaitement bon. Et en même temps parfaitement mauvais. Les deux faces des choses s’équilibrent, partout et toujours. Je n'ai jamais eu l'impression de devoir me forcer à en voir le bon côté, Tout est parfaitement bon, tel quel. Toute situation, si déplorable soit-elle, est un absolu et réunit en soi le bon et le mauvais.
Point 2
Il faut contribuer à agrandir les réserves d'amour sur cette terre. Chaque petite proportion de haine que l'on ajoute aux haines déjà bien trop nombreuses rend ce monde encore plus inhospitalier et invivable.
Toute la force, tout l’amour, toute la confiance en Dieu que l'on possède(…) on doit les tenir en réserve pour tous ceux que l'on croise sur son chemin et qui en ont besoin.
Où que je sois, j’essaierai d'irradier un peu d’amour, de ce véritable amour du prochain qui est en moi.
L'amour du prochain est comme une prière élémentaire qui vous aide à vivre. La personne même de ce prochain ne fait pas grand-chose à l'affaire.
Point 3
Je vis intensément, j'use la vie jusqu'à la corde, et je sens croître en moi le sentiment de mes obligations vis-à-vis de ce qu’il faut bien appeler mes talents.
Comment peut-on brûler d’un tel feu, jeter autant d’étincelles ? Une immense joie de vivre, un amour et une force jaillissent de moi comme des flammes.
Mon Dieu, je te remercie de m'avoir faite comme je suis. Je te remercie de me donner parfois cette sensation de dilatation qui n'est rien d'autre que le sentiment d'être pleine de toi.
Point 4
Je vais devoir en luttant de toutes mes forces bannir de mon cerveau tous les fantasmes et toutes les rêveries et un faire un grand ménage intérieur.
Règle tes problèmes seule et n'ennuie pas les autres avec tes petites humeurs. (…) Tâche au contraire de discerner les grandes lignes, le chemin à parcourir.
Je sens à présent tout le poids que tu m'as donné à porter, mon Dieu. Tant de beauté et tant d'épreuves. Et toujours, dès que je me montrais prête à les affronter, les épreuves se sont changées en beauté.
Qu'un simple cœur humain puisse éprouver tant de choses, mon Dieu, tant souffrir et tant aimer ! Je te suis si reconnaissante, mon Dieu, d'avoir choisi mon cœur (…) pour lui faire subir tout ce qu'il subit.
Un peu de souffrance n’est pas si grave, cela fait partie du lot et, tu ne pourrais pas non plus être heureuse comme tu l’es parfois, comme tu l’es souvent.
Point 5
Une aspiration au silence. C'est un fait que le silence m’est revenu et que je le porte constamment en moi.
Il faut « s’expliquer » avec cette époque (…) et tâcher de trouver une réponse à toutes les questions de vie et de mort qu’elle vous pose. Et peut-être trouvera-t-on une réponse à quelques-unes de ces questions, non seulement pour soi-même, mais pour d'autres aussi. (…) J'ai le devoir d'ouvrir les yeux.
La plupart des gens ont une vision conventionnelle de la vie, Or il faut s'affranchir intérieurement de tout, de toutes les représentations convenues, de tous les slogans, de toutes les idées sécurisantes.
La mort est là tout d'un coup, grande et simple et naturelle, entrée dans ma vie presque sans bruit. Elle y a désormais sa place et je la sais indissociable de la vie.
Point 6
Mais, Dieu, accorde-moi de ne pas gaspiller un atome de mes forces dans la crainte ou l'inquiétude mais que je les conserve toutes disponibles pour porter cette journée.
Mon Dieu, prenez moi par la main je vous suivrai bravement. Je ne me déroberai à aucun des orages qui fonderont sur moi dans cette vie, je soutiendrai le choc avec le meilleur de mes forces.
Soyons logique, si nous avons confiance il faut l’avoir jusqu’au bout.
Point 7
De chaque instant nait un nouvel instant, qui comporte de nouvelles possibilités et s'avère parfois, de façon inattendue, être un nouveau cadeau. Et l'on ne doit jamais retenir ni prolonger inutilement un moment de malaise, parce que l'on risque d'entraver ainsi la naissance d'un moment plus riche.
Combien chaque jour apporte de richesses nouvelles ! Merci de m'avoir donné assez d'espace intérieur pour les abriter toutes.
Je ne cesse de faire monter vers toi le même alléluia, Mon Dieu, tant je t’ai de gratitude d'avoir bien voulu me donner une telle vie.
Je me suis souvent sentie - et je me sens encore - comme un navire qui vient d’embarquer une précieuse cargaison ; on largue les amarres et le navire prend la mer, libre de toute entrave ; il relâche dans tous les pays et prend partout à son bord ce qu'il y a de plus précieux.
Quand bien même on vivrait dans une mansarde et n'aurait que du pain sec à se mettre sous la dent, la vie vaut d'être vécue.
Point 8
Lorsque je souffre pour les faibles, n’est-ce pas souffrir en fait pour la faiblesse que je sens en moi?
En apprenant à connaître ses forces et ses faiblesses et à les accepter, On accroît sa force.
Je n'ai nul besoin de faire bonne figure aux yeux du monde extérieur, J'ai ma force intérieure et cela suffit, le reste est sans importance.
En priant pour quelqu'un, on lui transmet un peu de sa propre force.
Mon Dieu, donne moi la paix, et la force de venir à bout de tout. Il y a tant à faire.
Point 9
Partout où s’étend le ciel on est chez soi. En tout lieu de cette terre, on est chez soi quand on porte tout en soi. (…) On doit être sa propre patrie.
Là où l'on est, être présent à cent pour cent. Mon « faire » consistera à être.
Avant, je vivais au stade préparatoire, j’avais l'impression que tout ce que je faisais ne comptait pas vraiment. (…) Aujourd'hui, à la minute présente, je vis, Je vis pleinement.
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